Plantes, animaux, humains, planète… tout ce qui vit est appelé à mourir. La mort est à la fois le contraire et le signe de la vie, sa première caractéristique. Chaque pulsée de sève ou battement de cœur consomme un peu de vie et d’énergie, et aura un jour une fin.
Ce saut dans le grand inconnu effraie à l’unanimité la société occidentale. Tant et si bien qu’il faudrait effacer la mort… Dans le récit de l’enfance de Siddhartha Gautama, le Bouddha, les malades étaient cachés à sa vue, loin des murs du palais afin d’éloigner de lui toute inquiétude métaphysique.
« Mourir fait partie de la vie. Et ceux qui ont peur de la mort sont aussi ceux qui ont peur de vivre. » Clark Gable
Les hommes s’appliquent aujourd’hui à éloigner toute vision de la mort, ou de ce qui s’en rapproche. La vieillesse est effacée à grand renfort de crèmes et de Photoshop.
Désormais, on ne voit un corps mort que dans les films et des journaux télévisés, quand jadis les défunts étaient veillés par les membres de la famille.
La Vie dans ce monde a une durée finie, c’est un appel à affiner ses priorités vers ce qui a le plus d’importance. Comme disait si finement Etty Hillesum, « sacrifier dès maintenant à la mort un morceau de cette vie, par peur de la mort et refus de l’accepter, c’est le meilleur moyen de ne garder qu’un pauvre petit bout de vie mutilée, méritant à peine le nom de vie. Cela semble un paradoxe : en excluant la mort de sa vie, on se prive d’une vie complète et en l’y accueillant on élargit et on enrichit sa vie. »
Rejeter l’idée de la mort, c’est comme faire perdre de l’importance à la vie, la mutiler en lissant tout par le bas. C’est se départir de notre motivation à donner du sens à ces jours comptés.
La jeunesse américaine, sous l’inspiration du rappeur Drake, aime crier YOLO (« You Only Live Once » – on ne vit qu’une fois) pour justifier les actes de jouissance immédiate (« Je roule ivre à 180km #yolo »). Par peur que cette vie finisse trop tôt, faudrait-il la sacrifier en courant sans cesse derrière toujours plus de sensations ? La finitude de la vie comme un appel à se repaitre de plaisirs au détriment de tout ? Augmenter la réalité, sans cesse et toujours plus, quitte à en perdre la saveur !
Etty Hillesum, pourtant en face à face avec la mort dans les camps de concentration, nous offre un autre point de vue. Elle nous souffle que c’est justement parce qu’on ne vit qu’une fois, que la vie prend du sens, un relief. Parce qu’elle est bornée – une naissance, une mort – elle est tangible.
Il est possible de lui donner une forme, une direction, de la modeler, d’en « faire quelque chose ». Il ne s’agit alors plus d’un bout de temps à passer dans des plaisirs, mais d’une matière, qui nous révèle à nous-mêmes en la travaillant. La mort enrichit la vie. Notre mortalité est une chance de vivre pleinement en faisant émerger et en devenant celui ou celle que nous sommes vraiment. Parce qu’on ne vit qu’une fois, assez de fuites en avant pour s’éviter soi-même ! « Ose devenir qui tu es ». Voilà un vrai #yolo. À chacun, il appartient de faire le choix de dépasser la mort en l’intégrant à sa vie.