Piano-Philo n°3
Troisième et dernier concert de la série baptisée « Piano-philo » avec la pianiste Marie-Hélène Barrier.
L’atmosphère est toujours celle du petit amphithéâtre de La Maison de la Philo où une trentaine de personnes ont pris place. Pour cette fois, une petite table ronde s’est invitée près du piano avec un vase fleuri, carafe d’eau et verre pour le bien-être de l’interprète. Est-il utile de rappeler le principe de ces soirée: M.H. trace les grandes lignes de la vie d’un compositeur. Puis elle nous parle de ses œuvres au travers d’illustrations musicales, sans jamais oublier d’y associer une réflexion d’ordre philosophique. « De l’égoïsme à l’amour » est celle proposée pour ce concert.
Ce soir, le grand compositeur belge C. Franck est à l’affiche. Et son association avec la musique de l’immense J.S. Bach semble des plus naturelles. Marie-Hélène nous explique la raison de celle-ci. À savoir comment César Franck, plongé de par son siècle dans le grand courant romantique, parvient à être l’héritier spirituel de son aîné. Cela nous est confirmé par une citation de Franz Liszt venu écouter l’organiste à Paris et déclarant en larmes: « …l’égal de Bach! ». Nous apprenons aussi l’enfance plutôt malheureuse du compositeur et encore son surnom de Pater Seraphicus dû à sa science empreinte de religiosité. Sur ce dernier point, des références à V.d’Indy et Debussy apporteront au cours du concert leurs éclairages respectifs. Du premier: « Sa musique est la soeur de la prière, elle conduit au ciel et à la cité du repos. » Les vertus d’humilité et de modestie de Franck sont également mises en avant. (Citation de St Vincent de Paul: « L’humilité est le chemin qui conduit à la plus grande perfection. »)
Premier morceau interprété, le célèbre prélude n°1 de Bach. Il suit les 3 premiers mouvements de la première partita (prélude, allemande, sarabande). Tour à tour, délicatesse, vivacité, grâce sont déployées. Soit l’essentiel de l’interprétation baroque. Mais la filiation recherchée s’en trouve néanmoins immédiatement affirmée. Puis vient l’exécution du prélude pour orgue op. 18 jouée au piano. Choix pertinent propre à démontrer le caractère tout à fait extraordinaire de son auteur. En effet, l’œuvre illustre à merveille cette étrange compatibilité entre une profonde foi religieuse et un non moins sens aigu du romantisme. Oui! De l’égoïsme à l’amour, du dépassement de sa seule sphère personnelle au mystère du divin. Marie Hélène Barrier met là en résonance Maeterlinck et César Franck concernant le vécu tragique du quotidien.
Dernière œuvre annoncée au programme: Prélude choral et fugue. Il est précisé le remplacement de la fugue par un prélude de Bach. Choix justifié par la soliste en ces termes: Rigueur du rythme selon le modèle de Bach, soit tournant le dos aux fluctuations trop humaines de la psyché. Le premier motif très simple est énoncé donnant ainsi une clef pour une écoute active du morceau à suivre. Ce prélude de Bach en remplacement de la fugue comme un retour à la source, au modèle aimé, et renoncement à soi pour embrasser une vérité bien plus grande. Ne pourrait-on pas aussi y voir un étonnant écho musical de la fameuse parole de Jésus: « Il faut rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. »
Débat: Marie-Hélène tient beaucoup à cet échange après que le piano se soit tu. Plusieurs interventions viennent nourrir la réflexion de tous sur le thème de la soirée: De l’égoïsme à l’amour. La juxtaposition de ces deux mots fait à juste titre débat. Et c’est par une dernière interprétation du 1er prélude du clavier bien tempéré que se conclut ce dernier concert-philo de la saison.
Il est temps de remercier Marie-Hélène Barrier pour cette instructive série de concerts commentés et intitulés « Piano-Philo ». D’autant plus qu’il s’agit d’une périlleuse entreprise que d’expliquer les tréfonds de la musique tout en maintenant une intense concentration indispensable à une exécution de qualité. Cela s’est vérifié à la satisfaction de tous. Encore merci Marie-Hélène.
Olivier M. (le 10 avril 2019)